Léger et les bleus de chauffe
rideau

Une vingtaine d'hommes, menottes aux poignets, attendaient en silence dans une pièce en basse Casbah. Des paras, la mitraillette au poing, les surveillaient. Une longue table sur laquelle se trouvait un fichier, occupait le fond de la pièce. Les hommes avaient été arrêtés dans les quarante-huit heures précédentes à leur domicile ou au cours de rafles. Jusque-là, ils n'avaient pas été interrogés, encore moins torturés. Ils attendaient avec inquiétude. Peut-être était-ce pour maintenant.
Une porte s'ouvrit. Tous les regards se dirigèrent vers les hommes qui entraient. Un grand adjudant-chef passa le premier. Celui-là tout le monde le connaissait à la Casbah. Il s'agissait de Surcouf, l'adjoint du capitaine Léger, un ancien d'Indochine. On le connaissait pour sa force herculéenne et pour le mépris qu'il portait à ses frères de race militant au sein du F.L.N.
Surcouf fit entrer deux individus dont le visage était caché par des cagoules de toile à sac percées de deux petits trous pour les yeux et d'un troisième, plus grand, découvrant la bouche et une partie du menton. Les deux hommes prirent place derrière la table. Un capitaine vint s'asseoir près du fichier.
Faites défiler, dit le capitaine à Surcouf.
L'adjudant-chef fit avancer les suspects en file indienne. Un par un, il les faisait arrêter devant les deux hommes en cagoule qui les observaient longuement. Une extraordinaire tension régnait dans la pièce silencieuse. Seuls des regards s'échangeaient. Lourds, chargés de haine. La longue file avança lentement. Au passage, l'un ou l'autre des hommes masqués faisait un signe du doigt. Le suspect enchaîné qui se trouvait devant lui était alors séparé de ses compagnons. Lorsque l'examen fut terminé, huit hommes avaient été désignés par les mystérieux cagoulards.
 Emmenez-les pour interrogatoire, dit le capitaine. Les autres en résidence. On s'en occupera plus tard.

bleu de chauffe
denociation alger

Les « bleus-de-chauffe» étaient d'anciens membres des réseaux Yacef qui avaient décidé de travailler avec les léopards et les zouaves. C'était une idée du capitaine Léger et de Sirvent. Ils avaient proposé à Godard de retourner d'anciens compagnons de Yacef. Les deux capitaines préféraient interroger fermement s'il le fallait, mais raisonner les hommes et les amener à travailler contre leurs anciens amis en leur faisant comprendre l'erreur qu'ils avaient commise en prenant les armes contre la France.
On avait habillé les ex-F.L.N. de bleus de travail, doù le nom,donné à leur petit groupe. L'adjudant-chef Surcouf, un ancien d'Indochine, les encadrait. Une sorte de brute, le tueur intégral, l'homme qu'il fallait pour tenir en main des transfuges que leur idéal tout neuf rendait terriblement vulnérables.
Le rôle de ces  bleus-de-chauffe était de dénoncer leurs anciens camarades des réseaux clandestins, mais aussi de tenter de retourner la population en faveur des, Français. Ils circulaient ainsi dans la Casbah bavardant avec tous ceux qui voulaient bien leur adresser la parole, essayant de reconnaître dans la foule les hommes avec qui ils avaient été en contact. Mais leur rôle principal restait, bien sûr, la pénétration des réseaux F.L.N. encore existants.

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Deuxième bataille d'Alger